Liens fusionnels... poison d'une tribu.

Publié le par Féline

familleLes années défilent depuis l'arrivée de Mélanie ( Ma soeur de coeur... ma douleur!) et je vis une adolescence sans histoire en apparence. J'aime prendre soin de Mélanie, je suis devenue plus qu'une grande soeur, je suis une petite maman bis! Ma mère répète en boucle qu'elle est fragile...

Elle rend toujours visite à ses parents biologiques chaque mercredi, au grand désespoir de ma mère qui clame qu'elle en est très perturbée. C'était sans doute vrai mais jusqu'à quel point, je ne sais plus quoi en penser aujourd'hui. Un juge pour enfants finit par espacer les visites. Je suis partagée entre le soulagement de savoir Mélanie "plus en sécurité" et la tristesse d'apercevoir la souffrance de ses parents qui subissent totalement la situation en toute impuissance... Sa mère biologique est instable, elle finit plus tard par se séparer du papa de Mélanie, comme cela s'était produit avec le papa de sa première fille (demi-soeur de Mélanie donc) dont elle avait eu la garde pendant les six premiers mois qui avaient suivis sa naissance seulement, avant que ce premier enfant lui soit retiré également.  Cette demi-soeur a presque mon âge et Mélanie ne la verra que 2 ou 3 fois. Mélanie grandit, exprime ce qu'elle ressent, ce qu'elle souhaite devant le juge et ce dernier décidera ensuite de réduire les rencontres avec ses parents à une visite par mois, pendant une heure, au sein du cabinet d'une pédo-psychiatre. Mélanie ne verra plus son père, trop souvent hospitalisé pour problèmes de santé et dans l'incapacité de se rendre à ces rares rendez-vous pourtant si précieux à ses yeux... Sa mère s'y présentera avec assiduité au début, mais finira par se lasser et ne plus venir sans même se donner la peine de prévenir de ses absences. C'est comme cela que les visites "maudites" prendront finalement fin pour tout le monde, définitivement, alors que Mélanie n'est encore qu'une enfant à peine âgée de 8 ou 9 ans.

Mélanie avait honte de cette situation, la voici donc soulagée ;  c'est là l'essentiel à mes yeux à ce moment là, je suis dévouée à la protéger envers et contre tout, contre tous. Je tiens à elle plus que je ne l'aurais imaginée, je ne trouve plus le sommeil parfois à l'idée qu'elle puisse être retirée de notre famille car je n'ai pas oublié les mises en garde proférées par les professionnels de l'A.S.E. quelques années plus tôt. Ils restent les quelques visites des assistantes sociales (plusieurs se succèderont) et de l'éducatrice spécialisée, suffisantes pour déranger le quotidien paisible de ma mère, toujours redoutées, toujours jugées inopportunes ; bien sûr, les A.S. restent des incompétentes et l'éducatrice, au début peu contrariante donc sympathique, deviendra elle aussi bien dérangeante quand elle donnera des avis plus tranchés sur certains contextes. Mélanie est informée des visites de ces étrangères, ou plutôt alertée régulièrement. Je n'apprécie guère leur présence moi non plus, je n'aime pas l'idée d'un éventuel danger pour Mélanie, ni pour ma mère. Il m'arrive même de sortir les crocs si mon avis est sollicité par ces dames... Je lis bien leur surprise mais cela n'ira jamais plus loin. 

Mélanie s'est totalement intégrée depuis le début, elle fait partie de notre famille à part entière et si aucun papier officiel n'est venu légitimer sa place, cela ne fait aucune différence, ni parmi notre entourage, ni dans son milieu scolaire ni avec qui que ce soit... Cela ne me dérange pas, cette évidence pour mes parents est également mienne. En revanche, quand Mélanie devient capricieuse, toujours plus exigeante, je commence pourtant à me rebeller et à demander que des limites soient mises comme pour n'importe quel enfant ; je m'entends alors répondre qu'elle n'est pas une enfant comme les autres, qu'elle reste fragile (surtout aux yeux de ma mère) et que je dois me comporter autrement que comme une ado jalouse d'une gamine, que je dois montrer l'exemple. Je ne comprends pas très bien ces remontrances qui me semblent très injustes sur le moment... Et puis, plus j'y pense et plus je culpabilise de réagir comme cela, je dois continuer à faire confiance à mes parents que j'idéalise au plus haut point et ne pas me montrer ingrate, je n'ai pas le droit d'ajouter à la "peine" de Mélanie en réagissant de la sorte... Je deviens spectatrice de la relation toujours plus fusionnelle qui s'instaure entre ma mère et Mélanie et je commence à ne plus très bien cerner pourquoi les valeurs qui m'ont été transmises ne sont pas vraiment les mêmes avec ma soeur, pourquoi une telle différence. Dès que Mélanie trébuche, nous accourons pour anticiper la chute, dès qu'elle se blesse, nous sortons l'artillerie lourde pour la soigner, dès qu'elle exige, elle obtient. Même mon père n'a bientôt plus son mot à dire, il est traité comme un ennemi lorsqu'il tente d'intervenir, ou bien il devient indifférent donc complètement passif. Mélanie comprend rapidement de quel pouvoir elle peut jouir en toute impunité, elle en use et en abuse ; je ne parviens pas à lui en vouloir, quel enfant ne le ferait pas? Mélanie n'a pas le droit d'aller jouer chez ses copines, de quitter le cocon familial, elle s'exposerait à des dangers, à des situations ingérables aux yeux de ma mère. Cela me surprend mais ma mère le justifie par des procédures lourdes imposées par l'A.S.E. et je la crois. Le fait que ces procédures ne soient pas suivies aussi rigoureusement lorsque ma mère estime que cela peut l'arranger m'interpelle mais je ne suis sans doute pas en capacité de comprendre l'inexplicable... J'essaie pourtant d'alerter mes parents, je ne suis pas écoutée, je suis jugée comme une ado en pleine crise d'identité... Je le suis sans doute plus profondément qu'ils ne peuvent le soupçonner.

J'aime et je hais, je ne sais pas bien quoi faire de ces émotions ambivalentes... Je me réfugie dans la lecture de poèmes sombres, ma chambre devient mon territoire exclusif et pourtant je ne parviendrais pas à y trouver un peu de tranquillité. Mélanie a besoin de moi, je répond aux moindres désirs de ce petit bout de femme si attachant et me sens fière de l'exclusivité de son affection... D'un autre côté, je n'admets pas ses intrusions incessantes et je n'obtiens toujours pas gain de cause auprès de ma mère. Mon rôle reste de montrer l'exemple à ma soeur, de ne pas être injuste, d'être généreuse et présente. Nous devons former une famille unie envers et contre tout, je ne dois pas m'embarrasser l'esprit de détails superflus ; l'essentiel, c'est que cette famille soit solide, irréprochable. Elle le semble en apparence! Tandis que tout le monde s'en émerveille et s'esclaffe que c'est formidable, je hurle ma solitude sans que personne ne puisse l'entendre, et c'est bien normal aucun mot ne sort de ma bouche. Je souris la plupart du temps, heureuse de mon sort chanceux. Mon corps, lui, change et me dérange, mais cela n'intéresse personne. Je ne suis qu'un homard en pleine mue... Je connais l'océan, je saurais bien me débrouiller, je n'ai plus besoin de personne et de toute façon mes petits soucis éventuels ne sont guère dignes d'intérêt! Cet état de fait ne changera plus.

Ma mère, Mélanie et moi, nous formons un trio indissociable, un trio uni, un trio indestructible, un trio dangereux... Nous ne savons pas fonctionner les unes sans les autres, nous sommes dépendantes, nous sommes empoisonnées et l'élixir vénéneux causera des blessures irréversibles.

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M
<br /> <br /> J'imagine (depuis longtemps) ce que tu as pu ressentir, ce que tu ressents et ce que tu ressentiras encore et encore...Je pense que dans toute "histoire" il y a des acteurs avec chacun leur<br /> rôle...et dans la tienne ton Isa n'a pas joué complètement son rôle. Et si elle veille avec inquiétude sur Mélanie, elle aurait dû et devrait encore  te préserver, te comprendre... et il<br /> serait peut-être temps de te montrer un peu, de faire comprendre à ton "Isa" que toi aussi tu as besoin d'elle ! Bises. Marie <br /> <br /> <br /> <br />
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F
<br /> <br /> J'ai essayé Marie, je m'y suis épuisée même, en vain! Je reste invisible et même bien pire encore, je ne suis ni entendue et encore moins comprise. Tu comprendras au fil de mes récits qu'il y a<br /> des causes perdues et que parfois il devient urgent de cesser de se battre pour tenter de trouver la paix et surtout ne pas se "bouffer"  davantage la santé. Aujourd'hui, j'ai terminé ma<br /> lutte contre des moulins à vent, je me protège tout simplement et tente de mon mieux de me libérer de cette prison invisible pourtant bien réelle! bises<br /> <br /> <br /> <br />